26 janvier 2015

En mai, fais ce qu'il te plaît

     J’applique l’adage au pied de la lettre en entrant vite dans le vif du sujet. En quelques jours, le roof, si abîmé qu'il n'y a rien à en récupérer, est retiré. Une étape qui me permettra aussi de démonter plus facilement les éléments d'accastillage boulonnés comme les winchs et les bloqueurs.


Avant décapsulage...

716 Coupé Cabriolet
     Je ne m'active pas tout de suite sur le bateau en lui-même, il y a encore un certain nombre d'éléments en cours d'optimisation par l’architecte,  constructeur et premier passionné du 716, Henri-Paul Schipman, du cabinet Lombard.
     Le retour d'expérience du cabinet sur la mise au point des prototypes s'est enrichie depuis la conception de Raoul Pastèque et ce chantier sera aussi l'occasion d'apporter différentes optimisations au bateau, toujours dans le but de le rendre plus rapide. 


Carénage de caravane...

     Le premier changement acté est celui du profil des dérives. Une des deux dérives est brisée et il faut au moins en reconstruire une, les puits de dérives ont travaillés et il faudrait au minimum les dégreffer pour réparer la coque et le pont avant de les regreffer.

     Les profils de ces appendices ont vraiment évolué - diminution de la corde (largeur) des pièces notamment - et il y a un peu de poids à gagner en faisant des puits de dérives plus simples. Il ne faut pas longtemps pour me convaincre que ça vaut le coup de construire un nouveau jeu de dérives et un nouveau jeu de puits de dérives pour aller avec.


Stratification d'une dérive dans son moule


     Contrairement aux dérives construites pour le 229, celles-ci ne sont pas pleines de mousse, la peau extérieure et la peau intérieure de la pièce sont assemblées par collage sur le bord d'attaque, le bord de fuite et l'âme de cisaillement. C'est avec des grammes qu'on gagne des kilos !


Des dérives creuses pour cranter en toute légèreté !


19 janvier 2015

L'oiseau blessé


    Avant de lancer le chantier de reconstruction du bateau, la première tâche à laquelle je m'attelle consiste à démonter absolument tout ce qui est démontable sur le bateau, de façon à identifier clairement les zones à reconstruire ou à renforcer, afin d'organiser les travaux de manière efficiente.
     A partir de ce que j'ai pu voir et trouver comme éléments dans le bateau, j'ai reconstitué ce qui m'apparaît être la suite logique des événements ayant conduits à la destruction partielle du bateau. Je n'étais pas à bord au moment de l'accident, les hypothèses que j'ai formulées à partir de mes observations ne prétendent donc pas être la vérité des faits. 

"Au début du printemps, les oiseaux revenaient." - Respire - Mickey 3D

     C'est la rupture de l'émerillon d'une poulie du palan de quille qui semble être l'élément déclencheur des soucis à bord du bateau, alors qu'il navigue en Méditerranée dans un vent très soutenu et surtout dans une mer forte et hachée. Le palan de quille sert à maintenir la quille au vent pour réduire la gîte du bateau. Concrètement, il s'agit de tenir en position le voile de quille de 2 m au bout duquel est fixé un bulbe en plomb de 300 kg. C'est donc un des endroits les plus sollicités du bateau.
     Le bout de retenue de quille, censé sécuriser les mouvements du voile, est sous-échantillonné et usé et cède sous la charge. Le voile de quille continue donc son chemin et arrache un flanc du puits de quille avant de finir sa course dans le ballast, l'éventrant, et laissant s'échapper au passage 90 litres d'eau à l'intérieur du bateau.

Le flanc de puits de quille arraché. Au second plan, le ballast éventré.
     Dans l'urgence, afin de stopper les mouvements de la quille qui se balade toujours à son gré en arrachant ce qui se trouve sur son passage, la tête de quille est amarrée à la partie verticale de la cloison de mât.
    Conçue pour soutenir la compression du mât (effort vertical), cette cloison se brise en deux et s'arrache du roof et du fond de coque.
La cloison de mât arrachée du roof et brisée dans sa partie verticale (au centre).
     Il n'y a dès lors plus rien pour soutenir le pied de mât posé sur le roof qui se fissure et s'écroule sous la compression. Le mât n'est plus soutenu et s'écroule à son tour en se brisant en trois morceaux.



Fissures du roof...

     Pour ne pas simplifier les choses, le skipper se blesse lors de l'accident et évacue le bateau, qui sera récupéré plus tard par les gardes-côtes espagnols pour être remorqué jusqu'aux Baléares.
     Les morceaux de mât sont enchevêtrés dans les voiles et les haubans, et enfoncent la coque en plusieurs zones sous l'effet des vagues, brisant une des dérives restée enfoncée et fissurant du même coup la jonction entre le bas du puits de dérive et la coque.




Un peu de boulot avant de remettre à l'eau !





5 janvier 2015

Briser le silence - Rétrospective




Plus d'un an depuis mon dernier post sur ce blog, et il y a tant à dire… Si cet espace est resté en friche, mon année, elle, a été à l’inverse bien remplie. En ces premiers jours de 2015, il est temps pour moi de rembobiner le film, et en partager avec vous les temps forts.


Mini Transat 2013, un an plus tard...

    Tant de surprises, d'émotions et de moments forts lors de cette Mini Transat édition 2013, pour le moins atypique. L’Aventure fut d'une telle richesse et d'une telle intensité que quelques mois furent nécessaires pour digérer l’expérience - si tant est qu'on finit de digérer une Mini un jour.

Plus de bout-dehors ni de drisse de tête, je ne l'avais pas forcément imaginée comme ça cette arrivée !

Dès le départ ce 13 novembre, dans la baie de Sada, j’avais la conviction déjà qu’il faudrait que je recommence. Parce que ce que j’avais appris en me préparant pendant plusieurs années, ce que j’allais engranger comme savoirs en faisant cette course, tout cela devait m’aider à faire mieux, à aller plus loin. A tirer la quintessence de ces enseignements.

J'avais également au fond de moi envie de faire, de bien faire. La mise au point du 229 s'était avérée fastidieuse, chronophage et énergivore. Quatre ans d’un travail, passionnant certes, mais implacable, qui m’avait privé d’un précieux temps d’entraînement avant le départ. De ce projet, je sortais physiquement éreinté, et nerveusement usé, au moment même où je devais, enfin, voir mon rêve aboutir.

Sur l'eau, les soucis techniques rencontrés d'entrée de jeu ont mis de côté la régate que j'étais venu courir pour la remplacer par une Aventure, certes très belle, mais qui ne correspondait pas à ce que j'étais venu chercher, ni à ce que je voulais montrer.

La Mini 2013, expérience hors du commun...

Rebondir

A l’arrivée à Pointe-à-Pitre, les premiers mots furent donc sans appel. La sensation d’être « allé au bout de l’histoire », surtout dans une édition qui avait vu tant de concurrents abandonner avant de pouvoir crier « Terre » en voyant surgir La Désirade. Mais surtout, en tête, « la prochaine ».

Avant de partir, je n'avais fait aucun plan pour la suite. Porte ouverte à toutes les envies, sans idée préconçue.

Que ce soit sur l'eau ou au chantier, j'ai passé énormément de temps sur mon bateau et je m'y étais attaché. Auprès de lui, j'ai appris énormément sur la navigation, sur la gestion d'un projet Transat, et, surtout, sur moi-même. Nous étions cependant arrivés au bout de notre cycle et c'est avec beaucoup d'émotions que je l'ai mis en vente, au début du printemps.


Au revoir 229... !


Mais le destin est farceur, et le mini pour le moins addictif. Peu
après la vente du 229, un coup de téléphone est venu bousculer mon programme - à court et moyen terme.

Quelques années auparavant, j'avais débarrassé un chantier d'un moule de pont encombrant. Un réflexe de « recycleur » qui, s’il a contribué à encombrer mon chantier quelque temps, s’est avéré finalement providentiel. Ce moule, construit sur les plans du Cabinet Lombard, avait servi à la réalisation du pont de plusieurs prototypes, dont l'excellent Raoul Pastèque, numéro 716.

Le bateau est bien connu du circuit. En 2009, il finit à la 3e place sur la Mini Transat, barré par son architecte et constructeur Henri-Paul Schipman. Aux mains de Sébastien Rogues, il fera de nombreux podium et emportera la victoire sur la première étape de la Mini 2011.

En 2013, le bateau a subit une fortune de mer, et est livré depuis à son triste sort. Il y a énormément de travail à faire pour le remettre en état de naviguer. A ce moment-là, son destin semble aussi incertain que le mien.


L'idée que ce bateau pourrait être la monture idéale pour que je retourne mettre en application ce que j'ai appris fait vite son chemin dans mon esprit.

Retour à quai...



Rester cohérent

L'équation n'est pas simple. Pour que ce nouveau projet soit une prolongation intelligente du premier, je devais disposer d'une part d'un bateau performant pouvant rivaliser en vitesse avec les bateaux les plus récents, et d'autre part de suffisamment de temps d'entrainement pour connaître sur le bout des doigts mon partenaire au départ de la Transat.

Les options ne sont pas nombreuses : acheter un proto neuf ne correspond pas franchement à mon état d’esprit, construire un bateau s’avérait nettement plus coûteux et signifiait de repousser à 2017 une éventuelle participation à la Transat.

La reconstruction avec et pour Frédéric Denis du n°800 - abîmé lors de la Mini 2013 après en avoir pris le départ en favori – a achevé de me convaincre. Le scénario le plus adapté, dans ma situation, était de récupérer un bateau compétitif que j’étais en mesure de retaper entièrement et dans un délai raisonnable.

Après une ultime visite du 716, les ingrédients sont réunis. Bien sûr, le pari n'est pas gagné d'avance car le bateau a vraiment souffert, mais je sens qu'en échangeant intelligemment avec les personnes ayant navigué et conçu le bateau, qu'en menant le chantier avec sérieux et engagement, il y a vraiment quelque chose de bien à faire. Quelque chose qui m’attend. 




Au début du printemps la décision est prise, j'y retourne !